Association of Art & Science

ARCHEO-CLUB OF COURNON, AUVERGNE, FRANCE

Cluny

Cecile Boisson

Les moines étaient des acteurs importants du Moyen-Âge à la fonction essentielle. Leur première mission était de prier : pour leurs parents, pour les laïcs et pour leurs bienfaiteurs. Les moines servaient d’intermédiaires entre le monde céleste et la vie terrestre.

Du ix ème au xème siècle, les institutions monastiques avaient souffert des invasions. Au xième siècle, au-dessus de tous les autres ordres monastiques, s’érige Cluny. Le 11 septembre 907, Guillaume, surnommé le Pieux, duc d’Aquitaine fonde Cluny. Il impose deux contraintes au premier abbé Bernon : observé la règle de saint Benoît et après la mort de Bernon les moines pourront choisir librement leur abbé.

Ce bref article propose un parallèle entre l’architecture de Cluny iii et l’histoire de l’ordre.

 

 

La vie des moines, une vie consacrées à la prière.

Prière et architecture

 

La capacité d’accueil est considérable : entre Cluny ii et Cluny iii, elle passe de 200 à 1316 moines. Le moine clunisien vit dans ce cadre architectural qui lui est familier : un cadre sobre de pierre, solide et fonctionnel. Une demeure adaptée à la prière, leur principale activité. L’ambition architecturale exprime bien l’idéal religieux de Cluny. Ses églises sont destinées à célébrer les offices divins par une liturgie fastueuse et ostentatoire. On y célèbre les fêtes religieuses et la mémoire des morts.

Sur le plan liturgique, les clunisiens innovaient peu. Ils optent pour les usages de l’Empire (du x ème siècle à la première moitié du xi ème siècle) et du Saint siège (2nde moitié du xi ème siècle). La liturgie comporte une très longue partie préparatoire avec des hymnes, des leçons, des prières, des actes purificatoires, puis une seconde partie plus silencieuse.

Plusieurs prières ponctuent la journée des moines : offices des nocturnes (1h30/3h), les matines (3h30/5h), les vêpres (16h/18h) et les complies au coucher, ainsi que les offices de prime, tierce, sexte, none toutes le s3 heures.

Tout cela aboutit à une prière en quelque sorte perpétuelle qui est la marque première délibérément voulue par Cluny. L’office s’allonge et les clunisiens chantent jusqu’à 215 psaumes par jour alors que la règle bénédictine n’en prescrivait que 40.

Outre la dimension extraordinaire de Cluny iii, la multiplication des chapelles contribue à la démesure de cet édifice. Cluny ii comptait 2 chapelles orientées et un chevet triconque. Cluny iii compte au total 15 chapelles. Ceci s’explique, en partie, par la fonction des moines, qui était de prier pour les morts.

Ce bâtiment est adapté à la vie monastique et à la hiérarchie clunisienne. Il existe un cloître différent pour les moines et pour les novices, ainsi que différents  autres bâtiments pour ces 2 catégories. Ils ne sont tous réunis qu’à un seul moment : la messe.

Place des laïcs.

Les moines de Cluny priaient pour les morts sur demande des laïcs, en contrepartie de dons.

Cependant il est difficile de savoir de quelles manières les laïcs perçoivent cette messe. Les clunisiens avaient un goût pour la cérémonie grandiose mais les laïcs n’avaient pas de place dans la liturgie. Tous les rites s’accomplissent sans qu’ils soient vraiment conviés à la prière et à la méditation. Les moines ne se chargent pratiquement jamais de la pastorale des laïcs.

Les nefs sont d’abord conçues pour accueillir les pèlerins les jours de solennité.

Contre la nef se situe la maison des hôtes ou hôtellerie. L’hospitalité est l’une des vertus monastiques, on la pratique donc à Cluny. L’hôtelier est chargé d’accueillir et de traiter les hôtes de marque et les pèlerins à cheval payants alors que les clercs modestes, les pèlerins à pied et les démunis sont confiés à l’aumônier.

L’hôtellerie forme à Cluny un bâtiment spécifique de près de 50 mètres de long sur 10 mètres de large dans lequel est aménagé un dortoir pour les hommes, les femmes disposant de locaux semblables dans une autre partie.

Sous Odilon, l’infirmerie se compose à Cluny de 6 salles.

L’infirmier a une tâche spécifique, à la fois matérielle, morale et religieuse qui lui donne une place relativement éminente. Il assure la responsabilité administrative et financière du service sous le contrôle du cellérier et du chambrier. Par ailleurs il assiste spirituellement les malades. Il officie pour eux dans une chapelle spéciale généralement dédiée à la Vierge.

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Rayonnement de Cluny.

Rayonnement français et début de l’expansion clunisienne.

Fin xi ème siècle, la basilique de Cluny iii fut une œuvre où s’accomplit l’art roman. Cluny est une création majeure qui orienta les expériences bourguignonnes. Nous possédons des témoignages indirects, proposés par des églises romanes de Bourgogne, ayant imité dans leurs structures ou leur décor certaines particularités de l’abbatiale de Cluny iii : Paray le Monial ; la Charité sur Loire, Saint Lazare d’Autun.

Cluny fut pensé en fonction des expériences françaises : déambulatoire à chapelles rayonnantes comme partout en France, double transept comme à Saint Benoît sur Loire, double bas côtés comme Toulouse et à la Charité sur Loire. Le plan des piles est composé de 4 éléments engagés comme dans la plupart des églises françaises. C’est un voûtement en berceau. Il n’y a rien qui sente l’implantation. Cluny est implanté sur le territoire français et son parti architectural s’en ressent. Il n’existe pas d’équivalent en Occident, seule la basilique Sainte Sophie de Constantinople s’en rapproche au niveau des dimensions mais le plan est totalement différent (plan centré) de plus, elle se situe en Orient.

Grâce à l’audace et à l’autorité de saint Mayeul on voit l’implantation de l’ordre sur le territoire de Bourgogne et les territoires immédiatement voisins. Cluny a longtemps hésité à étendre le réseau de ses possessions trop loin de la maison mère et en dehors de la France du sud qui constituait son milieu naturel. Au niveau architectural, Cluny, même à l’apogée de sa puissance, ne tenta jamais d’imposer un type d’église particulier aux établissements qui avaient embrassé ses coutumes. Dans la plupart des réseaux  monastiques, les solutions adaptées dans les prieurés sont plus souvent inspirés des modèles locaux. En 994-1048, avant Cluny iii, les possessions clunisiennes formaient 3 groupes : bourguignon , provençal et poitevin-saintongeais.

Puis les clunisiens sortent de leur domaine premier, ils conquièrent le sud-ouest de la France, l’Espagne, s’installent au nord de la Loire, atteignent l’Angleterre et l’Italie. L’abbaye mère surveille ses filiales, abbayes ou prieurés qu’elle tente de répartir systématiquement dans le royaume et au-delà dans tout l’Occident.

Rayonnement international

L’abbé de Cluny est l’un des personnages les plus importants de l’Occident.

Le financement est « international ». On sait que le roi Ferdinand de Castille ainsi que l’ordre lui-même  participé. Le déroulement de la construction est confus on note plusieurs ralentissement, notamment autour de 1100 à 1120. Plusieurs textes montrent  qu’il y a un ralentissement peut être dû au financement. Les abbés, grâce à la richesse de l’ordre, participent au financement aussi.

Fin xi éme siècle, Cluny contrôlait 1000 prieurés en Europe soit 200 moines.

Milieu xii éme siècle, ce chiffre passait à 1500 monastères français, espagnols et germaniques.

Cluny est sous le patronage de saint Pierre et de saint Paul, donc dès sa dédicace, elle est implicitement placée sous l’autorité du Pape. L’abbaye intégrée à l’église est incluse dans le diocèse de Mâcon, et aussi longtemps qu’elle n’obtient pas du Saint Siège un privilège d’exemption, elle est soumise à la juridiction ordinaire de l’évêque. Propriétaires éminents de Cluny, au nom de saint Pierre et saint Paul, les papes vont eux aussi être appelés à agir du fait même que les Clunisiens les sollicitent pour confirmer leur possessions et propriétés qui s’accroissent considérablement. D’autre part, Cluny possède une force politique et diplomatique qui lui permet d’intervenir dans la querelle des investitures. Cluny prend bien évidemment position pour le Pape. Mais Cluny rayonne de l’Empire jusqu’à Rome, ce qui rend possible une telle intervention.

En 972, Cluny est déjà une abbaye riche. Trois facteurs s’additionnent pour rendre cette accumulation de richesse possible :

-la multiplication des dons envers un ordre qui prient pour les morts,

-l’inviolabilité des biens inscrit dans la charte de fondation,

-enfin, la protection de Rome.

L’entreprise de Cluny iii en est une preuve.

La puissance et le dynamisme de l’ordre lui confèrent un ascendant incontestable sur tous ceux qui sont en relation avec lui. Cluny marque certains secteurs de l’Occident. En ce qui concerne le domaine spirituel, ses maisons rayonnent autant dans les rapports établis avec la noblesse que ceux avec le monde paysan.

 

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La décadence de Cluny

Limites

 Au niveau de l’architecture, Cluny oriente les expériences bourguignonnes mais ne les influence pas .

Plus tard on reprendra ses structures architecturales tels que le chevet clunisien (hiérarchisation des volumes). Cluny iii ème siècle n’est qu’un prototype, malgré la portée européenne de son ordre, malgré ses dimensions extraordinaires, malgré l’ampleur de cet édifice, on ne verra pas se multiplier des « petits Cluny » dans toute l’Europe.

Pourquoi ?

Le souhait d’un édifice aux dimensions importantes (la voûte s’élevait à la hauteur de 30 mètres) implique des prouesses et des innovations techniques au niveau de la construction, qui ne seront pas suffisamment maîtrisées pour être réemployer dans d’autres édifices. En effet, les maîtres d’œuvre agissent en précurseurs lorsqu’ils emploient du grand appareil (au lieu du petit appareil). L’utilisation du grand appareil permet d’atteindre des hauteurs plus importantes et une meilleure répartition des poussées. Anne Baud définit Cluny, certes avec beaucoup de prudence comme du « gothique avant l’heure ».

Mais les maîtres d’œuvres ne maîtrisaient pas encore la taille du grand appareil. Cluny reste donc un cas isolé.

 Les visiteurs témoignent de nombreux manquements à la règle bénédictine. Normalement les moines  dorment dans des dortoirs mais très vite apparaissent des déviances, ils ont de petites chambres individuelles qu’ils peuvent fermer à clef. Bien que les viandes soient prohibées, la qualité des mets est remarquable, et les visiteurs sont étonnés de voir des poissons en sauce, loin de caractériser l’austérité attendue. Il en va de même pour leurs vêtements qui doivent observer une stricte sobriété et qui ne doivent avoir rien de confortable. Mais les moines font vite preuve de coquetterie vestimentaire, apparaissent des coloris vifs, des tissus de meilleures qualités, des bottines en cuir, fourrées en hiver.

Derniers sursauts et fin de l’empire clunisien

 

Odilon (994-1049) adapte Cluny à la société féodale, comme Odon il reste très attaché à la prière liturgique, et insiste sur la nécessité de la pauvreté. Pierre le Vénérable et Hughes v agissent eux aussi contre les abus. Dans les années 1050, l’ordre clunisien a retrouvé son prestige, après la crise de 1120 et rencontre dans tous les milieux une réelle estime. Cet équilibre est maintenu jusqu’au xiii ème siècle pour définitivement chuter.

A la mort de saint Mayeul (994), l’ordre de Cluny est véritablement né et installé. Mais depuis la mort d’Oton les Grand (973), l’édifice monastique s’effrite dans la Péninsule. Le rôle politique de Cluny est à la fois  le facteur de son rayonnement et la cause de sa décadence.

Au sud de la Loire, lorsqu’il n’y a plus d’autorité solide, diffusion de la violence et de l’insécurité, pillards, hommes d’armes, guerriers professionnels ravagent les campagne et s’en prennent surtout aux églises et aux monastères mal défendus par les protecteurs officiels. Cela ne sera pas la cause première de la fin de l’ordre clunisien mais cela prouve sa faiblesse.

De 1157 à 1319 on voit se succéder 22 abbés (sur 162 années) alors que pour les 248 années précédentes seulement 9 hommes « dirigèrent » Cluny. La durée moyenne d’un abbatiat passa ainsi de 27 ans et 6 mois à 7 ans et 10 mois. Si Cluny doit son rayonnement a des hommes forts : Mayeul, Odilon, Odon, L’absence d’abbés puissants à l’abbatiat long déstabilise et affaiblie l’ordre. Cluny s’essouffle. En face, cisterciens, Chartreux, Prémontrés apportent au contraire un renouvellement spirituel et une généreuse chaleur. A la fin du xii ème siècle l’effectif de ses ordres est supérieur à celui de Cluny.

En 1210/1220, Dominique et François d’Assise fondent les ordres mendiants qui ont « l’avantage » d’être auprès des pauvres. Leur implantation se fait surtout dans les faubourgs, en plein essor. Ces ordres s’adaptent facilement à ce nouveau contexte urbain et social.

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Conclusion

Les raisons du rayonnement de Cluny vont vite être la cause de sa décadence : sa prétention, son orgueil étaient contraire au but premier voulu par Guillaume d’Aquitaine et l’abbé Bernon. Lorsque Cluny perd ses protecteurs, l’abbaye perd sa force. Si Cluny iii est le symbole de l’apogée de l’ordre il laisse deviner la chute d’un « empire ».

 

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